Le Mois de l’histoire des Noir·es célèbre la résilience, l’innovation et la diversité de la communauté noire. Cette année, le groupe-ressource d’employé·es d’Ubisoft pour la communauté a choisi de se concentrer sur les représentations authentiques des personnages noirs et de leurs histoires.
Pour commencer le mois, on donne la parole à Jonathan Fado, artiste de concept sur Rainbow Six Siege au studio de Montréal, pour qu’il partage son parcours, son approche de l’authenticité et sa vision pour l’avenir.
Une ardeur tracée dans le sable
La passion de Jonathan pour l’illustration a commencé depuis un très jeune âge. « Au Congo où je suis né, commence-t-il, ma grande sœur nous rassemblait autour d’elle pour nous raconter des histoires, et elle faisait du dessin dans le sable avec une tige quand elle nous parlait. » Ce sont ces moments qui ont fait naître chez Jonathan l’amour du dessin comme moyen de raconter des histoires.
Lorsqu’il est venu au Canada à l’âge de dix ans, il s’est plongé dans les bandes dessinées. « Avant même d’en lire une, je redessinais la page couverture. » Sa progression artistique a rapidement évolué à partir de là ; au secondaire, il a commencé à créer ses propres personnages et histoires. Une professeure d’art a remarqué son talent et son enthousiasme, et a entamé une discussion sur les carrières possibles.
J’ai appris qu’on pouvait faire le design d’un personnage pour des jeux vidéo, raconte-t-il, et j’ai décidé de devenir artiste de concept. Depuis là, mon but était seulement ça. C’était mon plan A, B, C, D jusqu’à Z.
Il est entré dans le monde du jeu vidéo en tant que testeur et a été envoyé par son entreprise chez Ubisoft pour travailler sur Rainbow Six Siege. « Ici, j’ai fait connaissance avec plusieurs artistes et ils m’ont appris beaucoup de choses, » se rappelle-t-il. Grâce à leurs conseils, il a bâti son portfolio et a été engagé par Ubisoft.
Pour sa part, Jonathan conseille les artistes qui veulent entrer dans l’industrie du jeu vidéo de bien mettre les bases, s’entrainer assidûment et créer un portfolio qui reflète leur personnalité unique. « La compagnie va t’engager pour qui tu es, dit-il. Fais des trucs qui t’amusent, parce que cette passion transforme l’œuvre. » Ensuite, il suggère de ne pas se limiter, mais « d’être assez humble d’entrer dans l’industrie par n’importe quelle porte. Après, ça devient plus facile à naviguer. »
Une ambiance effervescente
Une fois qu’il est rentré dans l’industrie, Jonathan s’est toujours senti bien accueilli. « J’ai eu l’opportunité de travailler avec beaucoup de personnes et de toucher à toutes sortes de mandats chez Ubisoft. Ma couleur n’a jamais fait partie de la conversation, ce que j’apprécie beaucoup parce qu’il y a plus que ça quand on parle de moi. »
Il note que son équipe a un immense impact sur son travail. « J’aime venir au travail et voir du monde avec qui je peux blaguer et qui est prêt à partager leurs savoirs, dit-il. C’est pour ça que je suis dans le domaine des jeux vidéo et que je dis à tout le monde que je ne travaille plus. Je m’amuse chaque jour. »
Jonathan est chez Ubisoft depuis déjà trois ans et a l’impression que ce n’est que le début.
Ma mentalité est de rester un étudiant pour la majeure partie de ma vie. Quand tu atteins le sommet, tout devient plate, donc je veux toujours pousser plus loin.
La culture et non la couleur
Quand il s’agit de représenter des personnages de manière authentique, Jonathan dit qu’il n’a « jamais vraiment pensé à la couleur, parce que ça te dit très peu sur le personnage. »
Prenant l’exemple d’une personne noire américaine, Jonathan note : « Mes références ne seront pas pareilles aux siennes, et c’est la même chose avec mes combats, mon histoire, ma culture. Même dans la capitale du Congo, Kinshasa, il y a plusieurs tribus qui se ressemblent physiquement, mais qui sont différents culturellement. Donc pour représenter un personnage, il faut vraiment se concentrer sur sa culture. »
Un personnage qui incarne cette idée parfaitement est Blade de Marvel. « Blade transperce ce narratif de couleur de peau ; il pourrait être n’importe qui et ça marcherait quand même. L’histoire est à propos d’un vampire qui a la capacité de se promener sous le soleil et non à propos d’un vampire noir. Mais ce qui est cool avec Blade, c’est vu qu’il est noir, certains trucs culturels te sautent aux yeux et font en sorte que tu reconnais d’où il vient. J’aime cette balance de représentation et d’universalité qui fait qu’il pourrait être apprécié par n’importe qui. »
Pour atteindre ce niveau d’authenticité dans son propre travail, Jonathan note que la clé est de faire beaucoup de recherches. À titre d’exemple, il nous fait part de son illustration d’Amanirenas, la reine du royaume de Koush situé au sud de l’Égypte il y a deux mille ans.
Pour son illustration, ses recherches ont porté non seulement sur la reine elle-même, mais aussi sur l’histoire de son royaume, les valeurs de sa société, les types de bâtiments dans lesquels son peuple vivait, ce qu’il mangeait et comment il s’habillait. « Pour Amanirenas, je me suis acheté un livre qui parlait juste des bijoux koushites, se rappelle-t-il. Ma recherche l’a plus habillée que des choix de couleur et de forme. »
Un horizon plus large
Son enthousiasme pour la recherche vient en partie de sa passion pour l’histoire.
J’ai toujours voulu savoir de quoi avait l’air le monde avant nous, et pour une majeure partie de ma vie, ce monde-là a toujours été européen. À un moment donné, je me suis dit, je devrais donner ça à une prochaine génération, mais pour les Africains.
Il remarque que le Mois de l’histoire des Noir·es est souvent axé sur l’histoire américaine. « Cette histoire représente juste une infime partie de ce qu’est l’histoire de la communauté noire, remarque-t-il. On vient de très loin. »
Jonathan aimerait élargir l’horizon de la conversation pour inclure toutes les communautés noires. Pour lui, cela signifie « pousser le narratif vers l’Afrique et se poser des questions sur leurs royaumes, leur architecture, leur habillement. »
Il invite les allié·es à cultiver la curiosité, à poser des questions, à collaborer avec des artistes noir·es et à poursuivre la conversation au-delà du mois et pendant toute l’année.
Il poursuit actuellement ses recherches pour en savoir plus sur l’histoire de l’Afrique et espère un jour pouvoir présenter des expositions sur des personnes et des lieux africains, à l’instar des expositions des peintres classiques.
Mon travail chez Ubisoft me permet de pousser mes connaissances pour que ce soit le plus fluide et amusant possible une fois que j’aie à exécuter. »
Sa passion pour le partage de ces histoires africaines est une quête de toute une vie. « Je le fais pour moi, je le fais pour mon fils et je le fais pour la prochaine génération. »
Ubisoft organise plusieurs initiatives à travers le Canada pour la communauté noire avec l’aide de ses groupes-ressources d’employé·es. La semaine prochaine, Gayle McFarlane, spécialiste du casting chez Ubisoft Toronto, nous parlera de son parcours professionnel unique et de ce qu’il faut faire pour assurer une représentation diversifiée et authentique dans les jeux vidéo.
En attendant, vous pouvez voir les autres œuvres de Jonathan.