Le paysage des jeux vidéo a bien changé depuis les débuts de la carrière de Christophe Derennes, directeur général du studio d’Ubisoft Montréal. Le vétéran d’Ubisoft, qui entame maintenant sa 30e année au sein du groupe, nous raconte un peu son parcours et les changements qui ont marqué l’industrie du jeu vidéo.
Laisser sa marque
Arrivé en 1997 à Montréal, Christophe est parmi les membres fondateurs du studio trônant au coin de la rue St-Laurent et St-Viateur. À l’époque, la petite boîte compte seulement une cinquantaine d’employé.es, la plupart ont entre 20 et 25 ans et ont peu d’expérience en jeu vidéo, mais tous sont animés par un grand désir, explique Christophe :
« Imaginez une dizaine de personnes qui débarquent tout juste à Montréal, avec quelques années d’expérience en jeu vidéo seulement, qui embauchent une cinquantaine de personnes et se font donner carte blanche. Nous étions fébriles, motivés et prêts à faire notre marque. »
Préparer l’avenir
Si elle était prête à laisser son empreinte, cette jeune génération allait aussi être celle qui allait bâtir la charpente de l’industrie du jeu vidéo au Québec.
Au début des années 2000, il n’existe presque pas de formation en lien avec ce domaine. Mais rapidement, un besoin s’est fait sentir, se rappelle Christophe :
Il existait une réelle opportunité à saisir. Avec une demande [de jeux vidéo] toujours grandissante, l’industrie avait un plus grand besoin de trouver des gens formés.
Ubisoft a été parmi les premiers à proposer un cursus pour former de nouveaux développeurs. C’est en 2005, en partenariat avec le Cégep de Matane et l’Université de Sherbrooke, que le campus Ubisoft voit le jour et attire un très grand nombre d’étudiants. Cette initiative a été une pierre angulaire pour la formation au Québec et a ouvert la voie aux universités afin de créer les premiers programmes en jeu vidéo.
Grâce à une plus grande professionnalisation, l’industrie prit ses racines.
« Avec ce développement de la formation, l’industrie s’est trouvée aussi mieux encadrée. Nous avons créé des pipelines, des cadres, et elle s’est standardisée. C’était une étape cruciale, car déjà la même chose se passait en Europe et aux États-Unis. Il fallait être capable de suivre la vague. », se souvient Derennes.
Une industrie en mouvement
Au-delà de ces changements humains, la technologie évoluait aussi, et façonnait le paysage des jeux vidéo de plusieurs manières. Lorsqu’on lui demande quelles innovations ont joué un rôle clé dans l’évolution du domaine, le DG d’Ubisoft Montréal en souligne quatre.
« D’abord la 3D. », commence Christophe.
« Les joueurs ont été immergés dans une toute nouvelle expérience où il était maintenant possible d’interagir de manière 360 avec son environnement. Ça a aussi transformé plusieurs métiers, comme celui de level designer ou d’artiste 3D. »
Ensuite vint « l’arrivée et l’explosion du marché des consoles », dit Christophe. Plus abordables qu’un ordinateur, les consoles se sont retrouvées dans de nombreux foyers et ont ralenti une tendance néfaste de l’industrie: le piratage.
Mine de rien, le piratage des jeux PC était très commun à l’époque et faisait particulièrement mal aux entreprises en jeu vidéo, comme le souligne Derennes :
« Les pirates progressaient au même rythme que le marché. Sur 100 jeux qui étaient joués, seulement 10 étaient achetés. Cette tendance aurait presque pu détruire l’industrie. Les ventes de jeux sur consoles ont apporté un deuxième souffle et nous ont permis d’évoluer. »
La console a elle-même vécu sa petite révolution avec l’arrivée de la connectivité – « le online », se remémore le vétéran d’Ubisoft:
Ça a amené toute une nouvelle ouverture, une nouvelle expérience de jeu, notamment grâce au multiplayer, qui permettaient maintenant des modes comme le PVP (player versus player) ou le co-op à distance. Mais au-delà ça, ça a permis de continuer à faire vivre un jeu.
Cette possibilité d’améliorer, d’enrichir, de bonifier un jeu même après sa sortie a été un « grand tournant pour l’industrie » – rajoute le DG du studio. Il était maintenant possible d’offrir des expériences prolongées aux fans de certains univers. Encore de nos jours, des jeux comme Rainbow Six Siege ou For Honor, qui en sont à leur 8e et 7e année de vie respectivement , continuent à offrir du contenu renouvelé au grand plaisir des joueurs. « Le contenu post-launch est maintenant une partie intégrante de plusieurs jeux dans l’industrie. » confirme-t-il.
Finalement, impossible de ne pas mentionner l’IA, une technologie qui permet la création d’expériences de plus en plus riches et immersives pour les joueurs, comme le mentionne Christophe.
« Au départ, l’I.A. était du code pur et dur. Un ordinateur qui agît selon ce qui lui a été demandé. Puis est arrivé le machine learning qui permettait à un jeu de comprendre comment le joueur agit et de pouvoir s’adapter à lui. Aujourd’hui, cela continue de progresser avec l’émergence d’outils qui utilisent l’IA dite générative tels que les ChatGPT et les Midjourney. » termine-t-il.
Droit devant
Bien que l’industrie et les technologies continuent d’évoluer, certaines choses ne changent pas : 25 ans plus tard, on peut toujours ressentir la même fébrilité d’autrefois entre les murs du studio. Avec de nombreux projets à venir, l’avenir d’Ubisoft Montréal s’annonce d’autant plus prometteur.
Remerciements :
Le studio de Montréal et toutes ses équipes souhaitent un excellent 30e anniversaire professionnel à leur directeur général Christophe Derennes. Merci Christophe pour toutes ces belles années, et plusieurs autres à venir!