Quelques jours avant sa présence au 2019 D.I.C.E Summit, Yves Jacquier, Directeur Exécutif – Studios Service Production, nous dresse un portrait de l’IA dans les jeux vidéo.
L’intelligence artificielle et les jeux vidéo ont chacun 70 ans si l’on situe leur émergence avec Turing et Shannon pour l’un et le cathode ray tubes’s amusement pour l’autre.
En 70 ans, chacun s’est développé au travers des forces de l’autre.
Quoi de mieux qu’un jeu pour comparer la qualité de la prise de décision humaine et celle d’une machine ? Depuis des lustres, le jeu sert de mesure, de modèle et de point de comparaison au développement de l’IA.
Une relation toute naturelle
Il faut dire que le jeu vidéo a également énormément évolué depuis des décennies : les jeux sont plus riches, plus complexes, sont passés de la 2D a la 3D et atteignent maintenant un degré élevé de sophistication. Cette flamboyante évolution est rendue possible par des outils de plus en plus puissants, dont beaucoup sont issus de l’intelligence artificielle, que ce soit pour gérer les interactions en temps réel dans le jeu ou pour accélérer la création de mondes de plus en plus raffinés. L’IA a donc une belle part de responsabilité dans la qualité des aventures virtuelles auxquelles nous avons accès aujourd’hui.
Cette relation n’est pas nouvelle, et pourtant on assiste depuis moins de 10 ans à des avancées importantes dans les deux domaines, qui sont susceptibles de réinventer cette relation.
Pour bien comprendre la portée de ces avancées, il faut comprendre l’évolution récente de l’intelligence artificielle.
L’évolution de l’intelligence artificielle
Premièrement, qu’est-ce que l’intelligence artificielle? Une définition répandue est « un système capable de prendre des décisions d’un niveau comparable à celles d’un humain ». Cependant, l’humain et ses références ne sont pas statiques dans le temps, et un outil de correction grammaticale aurait été un objet de science-fiction il y a 50 ans et de sorcellerie au temps de Gutenberg! La notion d’intelligence artificielle fait donc autant appel à nos émotions qu’au rationnel des applications qu’on lui imagine. À ce titre, l’IA représentera toujours un système futuriste.
Deuxièmement, l’IA est un sujet qui génère un flot important de craintes, d’enthousiasme disproportionné et de spéculations, souvent sensationnalistes. Il est donc difficile de faire la part des choses dans cette abondance d’informations et d’opinions. Dans la réalité, L’IA d’aujourd’hui crée des résultats qui peinent à trouver une réelle utilité, et qui sont souvent bien moins performants que les solutions éprouvées.
Enfin, les concepts qui sont à la base de l’apprentissage machine ne sont pas nouveaux. C’est la vitesse à laquelle elles se déploient maintenant qui est sans précédent. Il est difficile de suivre ce qui se fait, encore plus d’approfondir le sujet, d’autant plus que même les experts ne s’entendent pas toujours! En 2016, un article tentait d’évaluer les impacts de l’IA sur un certain nombre d’activités humaines en demandant à un échantillon de spécialistes de faire un pronostic. Sans surprise, les réponses furent très divergentes, allant jusqu’à prédire « le remplacement de tous les métiers actuels par des programmes informatiques ». Les plus optimistes estimaient qu’un programme capable d’apprendre et de battre un humain au jeu de GO pourrait voir le jour en 2020. « Alpha GO Zéro » y est arrivé à la fin 2017.
Les développements vont vite. Très vite. Cette vitesse s’oppose à plusieurs obstacles dans l’application de ces résultats, pour les faire passer d’intéressants à utiles.
Dans le prochain article, nous nous pencherons sur certains de ces obstacles et entamerons la réflexion sur des stratégies possibles afin de les surmonter.