La semaine prochaine marque les 20 ans du lancement du premier Far Cry, un jeu qui a débuté une série connue pour ses aventures explosives et ses antagonistes captivants. À cette occasion, on s’est entretenu avec Drew Holmes, directeur IP de Far Cry qui gère le développement de la marque, afin de discuter du thème central de la série, la moralité, et de la manière dont il influence l’expérience de jeu.
Dans le terrier du lapin
Les jeux Far Cry ont présenté les joueurs et joueuses avec des sociétés déchirées par la violence et les ont mis au défi de survivre à des forces tyranniques et à des animaux féroces. Situées dans six régions du monde très différentes, des Caraïbes à l’Himalaya, ces sociétés ont toutes un point commun : leurs lois sont subjectives. « Ce qui est moral et ce qui ne l’est pas a changé, » ajoute Drew.
L’équipe de développement ne juge pas les actions des joueurs et joueuses. « On est un observateur impartial. On met en place l’échiquier et on pose la question : “Si tu te trouvais dans cette situation, qu’est-ce que tu ferais?” »
Cette notion de choix est un pilier essentiel de l’expérience de jeu. Dans Far Cry 4, par exemple, le protagoniste doit répandre les cendres de sa mère dans l’Himalaya. Au début du jeu, il est pris en otage par le roi Pagan, qui lui propose de l’emmener personnellement là où il doit se rendre. Drew décrit la scène : « Tu es entouré d’une bande de personnes armées et elles te demandent de patienter là un moment pour discuter. Est-ce que tu vas mourir si tu les écoutes? Et que fais-tu si tu ne penses pas que c’est une bonne idée? »
Si le joueur décide de rester, Pagan lui indique où laisser les cendres et le jeu se termine, mais le pays reste déchiré entre un régime meurtrier et un mouvement de résistance brutal. Si le joueur décide de s’échapper, il entre dans un monde chaotique, s’associe aux rebelles et peut influencer les événements qui suivent. « Tu peux soit t’éloigner et laisser les choses telles qu’elles sont, dit Drew, soit accepter la folie et descendre dans le terrier du lapin, mais tu devras alors te battre pour ressortir du trou. »
Destruction et salut
Au fur et à mesure que l’histoire de chaque jeu progresse, les joueurs et joueuses luttent non seulement pour survivre, mais aussi pour vaincre des forces injustes et impitoyables, telles qu’un régime dictatorial, une secte apocalyptique et un réseau de trafic humain.
Les protagonistes peuvent aider les personnes innocentes prises dans ces conflits, mais la façon de le faire est souvent avec un couteau et un pistolet à la main. Et pourtant, il n’y a pas de mesure de moralité, pas une seule façon que les choses sont censées être faites ; chaque individu choisit sa propre approche et décide à chaque instant de ce qu’il est prêt à compromettre. Comme l’explique Drew, ces missions abordent les questions : « Si la vie d’une personne à qui tu tiens est en jeu, qu’es-tu prêt à faire? Et qu’est-ce que ça dit de toi en tant que personne? »
Dans presque chaque jeu, les méchants tentent de rallier la joueuse à leur cause après avoir passé la majeure partie du jeu en tant qu’ennemis. Dans Far Cry 6, le cruel dictateur de la région, Antón Castillo, est atteint d’un cancer et souhaite que la protagoniste agisse en tant que protectrice pour son fils et guide le pays après sa mort.
Il peut sembler facile de refuser au premier abord, mais l’équipe de développement fait un effort particulier pour présenter le point de vue du méchant et les raisons qui motivent ses actions. Drew ajoute que « quand on regarde la communauté de fans, les gens adorent les méchants. »
« Il y a quelque chose d’attrayant dans ce pouvoir et cette volonté d’aller jusqu’à l’extrême pour obtenir ce que l’on veut, » poursuit-il. Certains joueuses et joueurs peuvent trouver que les méchants vont trop loin, mais aussi comprendre leur point de vue et se dire : « Si je travaille avec eux, je peux leur faire comprendre leurs erreurs et les faire changer. »
La situation se complique encore si l’on considère les ravages que les joueuses et joueurs peuvent causer dans le monde ouvert. Comme l’explique Drew, les méchants offrent un argument séduisant : « Tu as toute cette agressivité en toi, et je me fiche que tu la laisses sortir. N’aimerais-tu pas te joindre à moi? »
La jungle intérieure
Les jeux n’essaient pas de faire la morale sur ce que les joueurs et joueuses doivent faire, et il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises fins, juste l’aboutissement de leurs actions. « Le sentiment que l’on veut toujours ressentir à la fin d’un jeu Far Cry est un certain malaise, » note Drew.
En continuant à combattre l’antagoniste, tous les malheurs du monde ne sont pas résolus ; et en le rejoignant, la société ne s’effondre pas. « Vaincre le méchant peut sembler être la chose à faire, poursuit-il, mais quelles sont les choses que tu as faites en cours de route pour en arriver là? Et si tu as rejoint le méchant, y a-t-il une lueur d’espoir quelque part? Qu’est-il arrivé aux personnes que tu as rencontrées en chemin? »
Les actions prises tout au long du jeu sont mises en avant pendant ces moments. Dans Far Cry 3, par exemple, la prêtresse d’une puissante tribu croit que le protagoniste est la réincarnation d’un guerrier mythique en raison de ses capacités de combat. Au point culminant du jeu, elle tente de le convaincre de ne pas quitter l’île avec ses ami·es, mais plutôt de poursuivre son chemin et d’embrasser une vie de guerrier.
En opposant ces deux voies, Drew note que le jeu tend un miroir au joueur et lui demande : « Regarde les choses que tu as faites. Qu’est-ce que tes actions révèlent sur tes valeurs? »
Le but est d’évoquer des sentiments et de faire place à l’introspection. « S’il y a un point commun à toutes les expériences Far Cry, poursuit-il, c’est que notre nature primitive n’est pas aussi éloignée que nous voulons le croire. Lorsqu’on est plongé dans des situations de survie, on est tous et toutes beaucoup plus proches de la jungle qu’on le pense. »
En encourageant ces réflexions, Drew note que les jeux Far Cry abordent deux questions fondamentales : « Qu’est-ce qui nous pousse à aider les autres? Qu’est-ce qui nous pousse à blesser les autres? »
20e anniversaire de Far Cry
Pour marquer ce jalon, l’équipe de Far Cry partagera du contenu de célébration chaque jour la semaine prochaine. Le jeudi 21 mars, ne manquez pas la diffusion en direct avec des développeuses et développeurs chevronnés qui parleront de la marque jusqu’à présent et partageront des anecdotes de coulisses. Pour les dernières mises à jour, suivez l’équipe Far Cry sur X, Instagram et Facebook.